Accueil

Antoine Béclère 

L'hôpital Privé d'Antony

fait sa pub !

 

Polémique autour d'un courrier adressé à des milliers de généralistes
 

Le président de l'hôpital privé d'Antony, l'établissement phare de la Générale de santé, a écrit à 10 000 médecins généralistes en Ile-de-France pour leur demander d'adresser leurs patients vers les structures privées sous le prétexte qu'elles coûtent moins cher à la Sécurité Sociale que le public.

Réaction de colère à l'hôpital voisin Antoine-Béclère (AP-HP), où l'on conteste l'argument autant que la démarche.
 

L'HOPITAL PRIVÉ d'Antony (Hauts-de-Seine) ne lésine pas sur son budget communication. Avant même son ouverture, en novembre 2002, les médecins généralistes des environs avaient été inondés de courrier leur présentant le nouvel établissement, résultat de la fusion de quatre cliniques privées, et membre de la Générale de santé - premier groupe de cliniques privées en France coté en Bourse.
Le 18 avril dernier, le président de l'hôpital privé, le Dr Denis Hovasse, a envoyé une nouvelle lettre auprès de 10 000 médecins généralistes de toute l'Ile-de-France. « Dès cette année, rendons la Sécurité Sociale bénéficiaire ! » commence très sérieusement Denis Hovasse, avant de dérouler son argumentaire. Lequel repose sur toute une série de tableaux, joints en annexe, qui comparent les tarifs par groupes homogènes de malades entre les secteurs hospitaliers public et privé - « source officielle », dixit la clinique.
« L'hospitalisation privée, honoraires inclus, coûte deux fois moins cher à la Sécurité Sociale que l'hospitalisation publique », poursuit le président, le Dr Hovasse, avant de prodiguer le conseil suivant : « Faites-le ! Adressez vos patients dans les structures privées. »
Les médecins destinataires du courrier ont diversement réagi. Le Dr Anne Bongiorno : « J'ai rapidement lu la lettre puis je l'ai mise à la poubelle. Je n'envoie pas dans cet établissement pour ces raisons-là. » Le Dr Martine Bismuth, également généraliste à Antony : « Ça ne change rien pour moi, je ne suis pas du tout sensible à l'argument économique. Mon seul critère de choix, c'est la qualité de la prise en charge. »
« Ce n'est pas cette pub qui déterminera mes choix », ajoute le Dr Jean-Paul Hamon, installé à Clamart. Certains généralistes « nous disent bravo et ont mis une copie de la lettre dans leur salle d'attente », commente pour sa part l'hôpital privé d'Antony. D'autres ont une réaction de rejet, et ont assuré l'hôpital public Antoine-Béclère (qui fait partie de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris), à Clamart, de leur réel soutien.
Du soutien, le personnel de Béclère en a bien besoin. « Tous les soignants sont scandalisés, choqués par ce courrier, assure David Treille, du syndicat Sud Santé. Parce que les chiffres ne correspondent à rien, on compare un chou à une carotte : ils ne prennent pas en compte les dépassements d'honoraires pratiqués à l'hôpital privé, ni le coût de la formation médicale et infirmière que seul l'AP-HP assure. Nos personnels sont plus qualifiés et mieux payés. Et nous, nous prenons tous les patients. »
La communauté médicale a également été choquée par le procédé. Le vice-président du comité consultatif médical (CCM) d'Antoine-Béclère, le Pr Dominique Franco, parle d'un « tract plein de contre-vérités ». David Treille assure que certains projets de coopération entre les deux établissements vont s'en trouver suspendus. Sans aller jusque-là, le Pr Franco craint que cette opération n'influence certains généralistes.
 

« Concurrence déloyale ».
Face, comme ils disent, à cette « publicité mensongère » et à cette « concurrence déloyale », les médecins hospitaliers préparent une riposte. Ils ont écrit au Conseil départemental de l'ordre des médecins (CDOM) pour savoir si la démarche de leur voisin privé est ou non en règle avec la déontologie médicale.
Le président du CDOM des Hauts-de-Seine explique sa position au « Quotidien » : « Apparemment, il n'y a rien de faux dans ce que dit le Dr Hovasse, on peut dire que c'est de l'information et même que le but est louable puisqu'il s'agit de faire faire des économies à la Sécu, constate le Dr Jean-Claude Leclercq. Le Dr Hovasse a le droit de dire qu'il est là, avec son équipe à disposition, et à quels tarifs. Je reconnais que ce n'est pas très élégant, mais je ne peux intervenir que si ce tract a été distribué dans les boîtes des patients. Cela est interdit, mais pour le moment, rien ne le prouve. »
Certains particuliers ont-ils reçu ce courrier ? Le Dr Denis Hovasse, président de l'hôpital privé d'Antony, le nie. Tout comme il dément avoir voulu se faire un joli coup de pub. « Mon établissement est plein, dit-il, nous ne recherchons pas de nouveaux clients. Avec ce courrier, je n'ai pas voulu attaquer les hôpitaux, mais simplement faire le constat d'une différence de tarifs que je ne m'explique pas. J'ai écrit aux médecins non pas pour satisfaire les besoins financiers de mes actionnaires, mais pour répondre aux besoins de mes salariés, dont les augmentations sont accordées au compte-gouttes, car l'hôpital privé d'Antony est déficitaire de 7 millions d'euros. Je veux que chacun connaisse cette anomalie des tarifs. Si tous les patients d'Ile-de-France pouvaient n'aller que dans le privé, la Sécu serait largement bénéficiaire. »
 

> DELPHINE CHARDON

 

Le Quotidien du Médecin du : 30/05/2005