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"Les économies jouent contre la qualité des soins"
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AP-HP Alain Lhostis : « Les économies jouent contre la
qualité des soins » "Libération"
Alain Lhostis, président délégué du conseil d’administration de l’Assistance
publique, maire adjoint (PCF) en charge de la santé à Paris, voit dans cette
affaire « la preuve que, comme je le dis depuis le début, ce plan d’économies de
l’AP-HP touche bien à la qualité des soins. Ce n’est pas une erreur
d’appréciation, une minute d’égarement du professeur Meyer. On ne peut avoir une
grande ambition pour l’Assistance publique si on doit se battre avec un plan qui
réduit les moyens des hôpitaux de 60 millions d’euros par an. Combien d’autres
cas comme celui-ci ne sont pas signalés ? Combien de chefs de service ne disent
pas les choses comme celui-ci ? Combien d’opérations va--
t-on différer de quelques semaines, de quelques mois ? Nous allons entrer dans
la deuxième vague du plan d’économies. Une espèce de fatalité s’installe. On
nous dit : « C’est un cas. » En réalité, ce cas est une illustration de la
tendance dans laquelle, malheureusement, nous sommes engagés ». Y. H.
Les explications de la directrice
Chantal de Singly, directrice de Saint-Antoine, ne veut voir dans cette affaire
qu’un « problème de communication ».
Sollicitée par notre rédaction, la directrice générale de l’Assistance publique
- Hôpitaux de Paris (AP-HP), Mme Rose-Marie Van Lerberghe, n’a pas trouvé le
temps de commenter directement le dossier révélé par l’Humanité. « Calendrier
trop chargé ». Son service de presse affirme néanmoins, en dépit de l’évidence,
que le plan d’économies décidé l’an dernier, et pour quatre ans, de 260 millions
d’euros « ne touche pas l’offre de soins », n’entraîne pas de « rationnement ».
En tout état de cause, ajoute-t-on, l’AP-HP dispose de la marge nécessaire pour
faire face à des dépenses (médicaments, dispositifs médicaux) imprévues. À
l’hôpital Saint-Antoine, la directrice, Chantal de Singly, répondant à nos
questions, s’indigne tout d’abord du fait qu’on ait demandé aux patients
d’acheter l’orthèse en ville pour se la faire poser à l’hôpital. « C’est
inacceptable. J’ai rappelé au service que ce ne sont pas des pratiques. » En
tout état de cause, « on n’a pas eu la communication adaptée par rapport à ce
patient ». Ensuite, la directrice décèle un « problème de communication » -
encore ! - « entre nous », c’est-à-dire entre les services financiers et le
service ORL. « Les médecins ne nous ont pas donné de signes comme quoi il
fallait trouver une solution rapide. Il y a eu une erreur d’appréciation, sans
doute. On n’a pas perçu qu’il y avait urgence, on peut se tromper, les médecins
ne nous ont pas donné un signe rapide de difficulté. » Et maintenant ? Mme de
Singly se veut rassurante : « Même si le budget du service est déjà dépensé, si
l’on considère nécessaire de mettre une prothèse avant la fin de l’année, on va
le faire. » « S’il est important de donner la prothèse pour M. Pracht
rapidement, on le fera rapidement, comme pour les autres patients qui en ont
besoin dans un délai court. Si les médecins me disent qu’il faut agir vite, on
agira vite. C’est malheureux que ça se soit passé comme ça. » À l’entendre, il
n’y aurait pas, dans cette affaire, de « problème financier », les difficultés
du service ORL ne seraient « absolument pas liées au plan d’économies » mis en
l’oeuvre par la direction de l’AP-HP. « On est entré dans un mode de prise en
charge nouveau, qu’on n’avait pas mesuré au départ. » Question : les demandes
d’orthèse augmentent, le service ORL a réclamé pour 2005 une enveloppe trois
fois supérieure à celle de 2004 : l’aura-t-il ? Réponse, un tantinet dilatoire :
« Si vraiment on n’avait pas de solution dans le cadre d’un financement
national, on pourrait s’en expliquer avec notre ministère. On va surveiller cela
de très près. » Comme les médecins du service, la directrice mise sur une future
prise en charge du traitement directement par la Sécurité sociale. D’autant que,
observe-t-elle à son tour, l’orthèse coûte moins cher que l’appareil
actuellement remboursé par la Sécu. Le plan d’économies l’aurait simplement «
amené à réfléchir à des dépenses pas toujours utiles, aux prescriptions
redondantes, par exemple ». Mais non, Mme la directrice « ne pense pas qu’une
avancée médicale puisse être remise en cause par les économies ». À la
différence du président du conseil d’administration de l’AP, Alain Lhostis (voir
encadré), qui, lui, voit dans ce dossier une illustration du fait que le plan
Van Lerberghe « touche bien la qualité des soins ».
Chantal de Singly admet néanmoins la difficulté de sa tâche : « Je ne dis pas
que le plan d’équilibre est facile... Si on en était au point de ne pouvoir
soigner, je dirais stop, bien sûr... » Pour conclure : « Si on considère que la
société doit prendre plus de dépenses en charge, à ce moment-là, il faut trouver
le financement, faire d’autres choix au plan national pour qu’il y ait plus
d’argent pour la santé. »
Y. H.