Accueil

Antoine Béclère 

    Les Grands Moyens de la maison des adolescents...  

 

 

Les grands moyens de la Maison des adolescents à Paris

LE MONDE | 17.11.04 | 14h54

 

Bernadette Chirac, dont l'opération "pièces jaunes" a largement financé l'établissement, s'est personnellement impliquée dans le projet. Ses responsables espèrent voir cette initiative faire école.

Pour Bernadette Chirac, c'est le grand jour. L'épouse du président de la République devait inaugurer, mercredi 17 novembre, en présence du maire de Paris, Bertrand Delanoë, et du ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, la Maison de Solenn-Maison des adolescents de l'hôpital Cochin, à Paris. Cet établissement à la grande baie vitrée, qui accueillera à partir du 6 décembre les adolescents en difficulté, est dirigé par le professeur de pédopsychiatrie Marcel Rufo. Fleuron de la Fondation des hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, la Maison des adolescents constitue, pour Mme Chirac, l'aboutissement d'un combat personnel contre l'anorexie.

Le projet de Maison des adolescents est indissociable de l'histoire de la Fondation des hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France et de l'opération pièces jaunes. C'est dans les années 1990, après que le professeur Claude Griscelli, actuel vice-président de la Fondation, a sauvé d'une très grave maladie le fils d'une journaliste de télévision, que germe l'idée d'une opération caritative calquée sur le modèle américain. Le professeur de pédiatrie cherche à rendre plus humaine l'hospitalisation des enfants, notamment par la présence de leurs parents à leurs côtés. L'opération pièces jaunes, qui a collecté 6 millions d'euros en 2004, a ainsi permis de financer, depuis la création de la Fondation, 21 Maisons des parents, 200 chambres mères-enfants et plus de 1 000 pompes à morphine antidouleur pour les enfants.

Lorsque Bernadette Chirac, dont la fille Laurence souffre d'anorexie, prend la présidence de la Fondation en 1994, à la demande du professeur Griscelli, son engagement donne une nouvelle dimension au projet. Elle organise des dîners caritatifs, prêche aussi dans des lieux plus modestes. Elle qui s'est battue des années pour la prise en charge de sa fille souhaite créer un établissement dédié aux pathologies de l'adolescence. Patrick Poivre d'Arvor et son épouse, dont la fille Solenn, gravement anorexique, s'est suicidée en en 1995, s'engagent activement dans le projet. Le présentateur vedette de TF1 reverse à la Fondation l'intégralité des droits d'auteur des livres consacrés à sa fille : c'est donc en "manière de reconnaissance", selon le mot du professeur Griscelli, que l'établissement de l'hôpital Cochin est baptisé "Maison de Solenn".

Le projet mettra six ans à voir le jour. Mme Chirac, qui dit toujours " je suis une lente", n'a pas supporté les atermoiements - au bout de deux ans, le chantier n'avait toujours pas commencé. Elle a obtenu, en 2002, la tête de l'ancien directeur de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP), Antoine Durrleman (Le Monde du 5 décembre 2002), accusé de faire traîner les choses. La Maison des adolescents, qui appartient à l'AP-HP, a été entièrement financée par l'opération pièces jaunes pour un budget de 26,2 millions d'euros, soit le double de la somme initialement prévue.

Depuis, l'idée d'offrir une prise en charge spécifique aux adolescents a fait son chemin dans le milieu médical. Avant la Maison de l'hôpital Cochin, d'autres structures, comme celles du Havre ou de Bordeaux, se sont créées en France. La dernière en date s'est ouverte en octobre à l'hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Le développement de ces structures est devenu, en juin, une des orientations de la Conférence de la famille. L'Etat financera les projets à hauteur de 5 millions d'euros par an pendant cinq ans.

Le professeur Rufo, qui a quitté l'hôpital de la Timone à Marseille à la demande du professeur Griscelli, explique son projet pour la Maison de Solenn : "Il s'agit de mélanger de façon hétérogène le médical et le psychiatrique. Nous avons là la possibilité de rendre crédible une nouvelle discipline qui serait la médecine de l'adolescent." Outre une unité de consultation, ouverte de 6 heures du matin à minuit, et une unité d'hospitalisation comportant 20 lits, la Maison de Solenn abrite un espace santé, disponible pour tous, conçu comme un lieu d'information sur les "petits et grands problèmes des adolescents".L'établissement accueillera également, en 2005, la première unité Inserm en psychiatrie de l'adolescence qui travaillera en priorité sur les troubles alimentaires graves.

Selon ses concepteurs, la Maison de Solenn a vocation à faire école. "Nous ne souhaitons pas donner de leçons mais inciter d'autres projets pour créer un mouvement", explique le professeur Griscelli. Et à ceux qui leur reprocheraient d'avoir créé un établissement-vitrine, tranchant singulièrement avec la pauvreté habituelle de la pédopsychiatrie, M. Rufo réplique : "La réponse appartiendra à ceux qu'on soignera. Je donne rendez-vous à tous dans six mois avec les premiers résultats cliniques !"

 

Béatrice Gurrey et Cécile Prieur

 ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.11.04