Accueil

Antoine Béclère 

L'Assurance Maladie   
vu par l'UFC Que Choisir

 

 

Assurance maladie : vers une réforme inefficace et dangereuse pour l'usager

our l'UFC-Que Choisir, les effets d'annonce ne suffisent ni à combler « le trou de la Sécu » ni à assurer la sécurité des soins aux usagers. Ni aujourd'hui, ni surtout demain. Des exemples concrets :

 

- Déjà inefficace financièrement : 1 euro par acte ou consultation ne résout rien
Au-delà d'une nouveauté spectaculaire, alors même que les économistes mettent en doute l'efficacité et la finalité de la mesure, que peuvent attendre concrètement les usagers d'une participation directe aux coûts des soins ? Sûrement pas la fin du déficit de l'assurance maladie.
L'effort financier est-il justement réparti entre usagers et entreprises ? Non. Les entreprises bénéficient de garanties offertes par la loi dont les usagers sont privés !
Pour l'UFC-Que Choisir, la responsabilisation tant attendue des usagers exige un préalable :

- l'égalité de traitement de tous les acteurs : usagers, entreprises et professionnels de la santé.
- Dangereuse pour la qualité des soins : la Haute Autorité en santé muselée


Les attentes de l'UFC-Que Choisir vis-à-vis de la Haute Autorité sont majeures. Elle a vocation à valider scientifiquement le panier de soins pris en charge par la collectivité. Qualité des soins et bon usage de l'argent public sont donc en jeu.
Pourtant, avant même sa mise en place, l'UFC-Que Choisir doute de l'indépendance réelle d'un « gendarme de la santé » dont le financement prête pour le moins à confusion... d'intérêts !
Le 29 juin s'ouvre à l'Assemblée Nationale le débat sur le projet de réforme de l'assurance maladie. Les usagers ne se satisferont pas d'une place « au coeur du système de soins ». Représentés par l'UFC-Que Choisir, ils s'invitent au coeur de la réforme.
 

Assurance maladie : un euro, et après...

 

ui, dans tous les discours convenus, occupe le centre du système de soins? L'usager, bien sûr! Pourtant, à entendre certains décideurs politiques ou professionnels de la santé, il suffirait de responsabiliser - entendez punir - le même usager pour revenir à un âge d'or. Saisissons les mots : être responsable, pour nous c'est être actif. Et l'UFC-Que Choisir s'implique dans la vie du système de soins : contribution à la loi sur les droits des patients (dite loi Kouchner), membre du conseil d'administration de l'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé (Afssaps), de conseils d'administration hospitaliers, de commissions régionales d'indemnisation et de conciliation (CRCI), présence dans les agences régionales d'hospitalisation, participation à l'élaboration des schémas régionaux d'organisation des soins (SROS), etc. Pour l'usager, être responsable c'est d'abord être informé. On reproche suffisamment aux usagers de se rendre trop aisément aux urgences hospitalières pour un bobo, de coûter cher et de saturer des services débordés. Mais qui donc avait informé cet usager qu'à seulement dix minutes à pied, un médecin libéral - pour autant qu'il existe dans cette zone déficitaire en généralistes - était de garde ce dimanche-là ? Personne !


L'usager connaissait-il alors un numéro d'appel unique l'orientant instantanément vers la bonne destination ? Soyons clairs: responsabiliser l'usager passe par un parcours de soins bien balisé et connu de tous. On en est loin. Et puis, la douloureuse. À la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) s'ajoute l'euro symbolique à chaque consultation ou acte médical. Symbolique ? Pour l'instant, car il augmentera. Et vite. L'UFC-Que Choisir n'est pas dupe. Pour preuve, le projet de loi de réforme de l'assurance maladie fixe la participation des entreprises à une hausse, elle symbolique, de 0,03 % de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Plus évasif quant aux usagers, le texte pose le principe du paiement à chaque consultation, sans en définir le montant ! En clair : où est-il écrit «un euro» ? Il est si facile de modifier un arrêté plutôt qu'une loi. Et de rendre évolutif un euro si symbolique...

Il y a de quoi être inquiet de la dérive qui ainsi se renforce encore davantage et consiste à assimiler le besoin de soins à un besoin de consommation, à réguler celui-ci par une dissuasion qui serait le prix, avec les risques, à terme, d'une médecine à l'accès fortement inégalitaire. Cette mutation du patient en consommateur, ce basculement de la santé dans un schéma de pure logique commerciale ne peut être source, à terme, que de ségrégation et de régression sociale. L'occasion a donc été manquée de placer l'usager au coeur du dispositif, en qualité de véritable acteur, et pas seulement de payeur.
 

 Alain Bazot  
Président de l'UFC-Que Choisir  

 

Assurance maladie : la réforme vue par l'UFC-Que Choisir

 

a demande en santé contient une forte composante de nécessité, voire de contrainte. Elle ne doit donc pas être assimilée à une demande classique de biens ou de services marchands.

La bonne santé est un état de santé à un instant  et nul n'est à l'abri d'avoir à faire un jour appel à l'assurance maladie collective. On cotise donc aussi pour soi. Cette prise de conscience du bénéfice individuel des bien portants est essentielle pour favoriser l'acceptation du principe comme du montant des prélèvements.
L'UFC-Que Choisir prend acte que le principe de solidarité et d'universalité est clairement repris par le gouvernement actuel ainsi que par l'ensemble des partenaires sociaux.
La réforme globale de l'assurance maladie est indispensable. Elle ne saurait dépendre que d'un seul instrument. Les questions de financement doivent être associées à l'organisation structurelle des soins.
Pour L'UFC-Que Choisir l'offre de soins est régie par 5 principes directeurs :
- Une offre accessible géographiquement (garantie d'une offre bien répartie) ;
- Une offre accessible économiquement (pas d'obstacle financier excluant) ;
- Une offre garantissant la qualité des soins (évaluation de tous les acteurs) ;
- Une offre assurant la continuité des soins (garantie de la permanence) ;
- Une offre cohérente et lisible par la traçabilité de toutes les étapes.
Afin d'atteindre ces objectifs, L'UFC-Que Choisir s'implique en proposant la responsabilisation de tous les acteurs, à commencer par celui qui justifie l'existence même du système de soins : l'usager.
 

La responsabilisation des usagers

 

Par la refonte des institutions dirigeantes dans lesquelles il pourrait être acteur

 


L'UFC-Que Choisir a prouvé sa force de proposition et sa volonté de s'investir dans le système de santé en participant à l'élaboration de la loi sur les droits des patients et en étant présente à différents niveaux de décision : SROS, ARH, CA des hôpitaux, CRCI...
 


L'UFC-Que Choisir rappelle que dans un cadre juridique clair, c'est à la loi de définir avec précision la composition et les attributions des futures institutions. Sans cette réforme en profondeur des instances dirigeantes, l'UFC Que Choisir considère que toute réforme de l'Assurance Maladie est vouée à l'échec. Si cette réforme donne à notre association toute garantie de clarté dans les attributions (qui fait quoi) et la possibilité pour les usagers de peser réellement sur les décisions, l'UFC Que Choisir assumera ses responsabilités de représentant.
 

Par l'information

 


Pas de responsabilisation sans information. Le droit à l'information des usagers constitue donc l'indispensable condition à leur responsabilisation. La pertinence de l'offre n'a de sens que dès lors qu'elle est connue et clairement perçue par les usagers. L'information directe ou par services d'orientation téléphonique de l'usager constitue le premier maillon d'une utilisation adéquate des ressources du système de santé. A l'inverse, « monter en épingle » une porte d'entrée (ex. les urgences) aux dépens des autres génère des goulets d'étranglement et des crises inutiles. La création de maisons de soins assurant la permanence de l'accueil local pourrait être une idée à encourager.
 


Un système de soins aux portes d'entrée et aux parcours bien « balisés » :
- Sécurise usagers et professionnels ;
- En conséquence, implique l'usager et le professionnel dans le respect des procédures.
 

 Par l'incitation aux comportements de bonne gestion de sa santé

 


La création au cours des premières années de vie d'un parcours incitatif de soins sur la base d'objectifs de santé publique constitue une phase de responsabilisation précoce des usagers. L'UFC-Que Choisir considère avec intérêt les approches incitatives aux dépistages et soins préventifs à l'image du modèle allemand de prise en charge totale des actes de surveillance bucco-dentaires. Toutefois, ces parcours de soins devront intégrer les exceptions découlant, à titre d'exemple, de la précarité ou des migrations récentes.
 

 Par son implication financière

 


Le système actuel de participation financière n'est pas satisfaisant car non ressenti comme tel par les usagers (prélèvements et télétransmission). Avant de penser à les solliciter davantage par des moyens divers (augmentation de la CSG, reste à charge sur chaque feuille maladie ou boîte de médicaments...), il faut commencer par lui faire prendre conscience de l'ampleur des prélèvements actuels (400 euros par mois pour un salaire moyen de 1740 euros !). En tout état de cause, si de nouvelles mesures de financement devaient être mises en place, elles ne sauraient intervenir sans la mise en oeuvre simultanée des réformes de structures.
 

Par l'instauration de garde-fous contre le nomadisme médical

 


L'UFC-Que Choisir considère que la collectivité finance les soins et non le nomadisme médical, à distinguer d'un processus parfois lent de diagnostic. Mais L'UFC-Que Choisir rappelle que les surcoûts des «vrais nomades», sans explications ou justificatifs retrouvés, représentaient 1 pour mille du total des dépenses (1) et que son isolement ne saurait donc à lui seul résoudre les difficultés financières de l'assurance maladie.
 

 Responsabilisation des autres acteurs

 

Par un conventionnement citoyen

 


Par la facilité de remboursement des soins qu'il implique, le conventionnement constitue un avantage direct que la collectivité offre à l'usager ; mais c'est aussi un avantage direct au praticien en ce sens qu'il est rarement dissociable de sa clientèle et donc de son activité et du revenu qu'elle génère. Or, dans un contexte de déséquilibre de l'offre (déserts sanitaires versus offre surabondante), L'UFC-Que Choisir considère qu'en solvabilisant la clientèle du professionnel, la collectivité est en droit d'attendre de l'avantage qu'elle offre des contreparties. Celles-ci peuvent porter sur :
- le lieu d'implantation (éventuellement en association avec des incitations) ;
- des exigences de formation initiale et continue ;
- l'appartenance à un secteur tarifaire donné ;
- une combinaison de différents critères en fonction de l'offre et de la demande locale...
 


L'UFC-Que Choisir propose que le conventionnement constitue l'un des instruments clef de la régulation de l'offre libérale en santé. Demandé par le professionnel, il serait accordé sur la base de la satisfaction à des critères d'intérêt général et local (déficit ou surnombre de spécialistes déjà présents dans le bassin sanitaire). A contrario, le professionnel qui renonce à tout ou partie des exigences liées au conventionnement trouve une liberté plus large : une demande non-solvabilisée par la collectivité, un risque donc plus élevé pour des revenus en conséquence, soit un retour aux sources de l'activité libérale.
 

 Par l'évaluation et l'amélioration de la qualité du système

 


A l'heure actuelle, aucun acteur du système de santé (du Ministère de la Santé aux professionnels, en passant par la CNAM et les hôpitaux) ne fait l'objet d'une évaluation. Il faut remédier rapidement à cette situation qui entraîne gaspillages (deux hôpitaux voisins peuvent avoir la même activité avec 2 ou 7 spécialistes !), rentes de situation (carnet de RDV plein sur plusieurs mois), dilution des responsabilités (quel service ministériel devait alerter le Ministre de la Santé, lors de la canicule ?) et manque de transparence (que connaît-on du financement public de l'Assurance Maladie : non reversement de taxes sur l'alcool et le tabac, prélèvements pour financement des 35 heures... ?) La création d'indicateurs pourrait être une bonne chose, en sachant que tout ne peut être mesuré dans le domaine de la santé.
 


La qualité des soins repose sur une formation initiale et continue en adéquation avec l'évolution des techniques, des impératifs économiques et des besoins humains.
 


La formation continue doit donc devenir un critère d'évaluation concret du professionnel. Cette évaluation, il doit pouvoir s'en prévaloir auprès des organismes d'évaluation et d'accréditation (ANAES), comme de financement (CNAM, ARH...). Elle doit faire partie de l'équilibre du contrat avec la collectivité.
 


Enfin, le professionnel doit pouvoir s'en prévaloir auprès de ses patients. L'impossibilité actuelle engendre un « trou noir » dans le circuit de l'information auquel l'UFC-Que Choisir ne trouve aucune justification. C'est à l'usager d'intégrer - ou non - ce critère de choix dans son mode d'élection du professionnel.
 

(1) Source : Faits Marquants 2003, Cnamts

ANAES : Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé

ARH : Agence Régionale de l'Hospitalisation

CNAM : Caisse Nationale d'Assurance Maladie

CRCI : Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation

HCAM : Haut Conseil pour l'avenir de l'Assurance Maladie

SROS : Schéma Régional d'Organisation Sanitaire

 

L'accès aux soins passe avant la liberté d'installation

 des médecins libéraux

 

es usagers du système de santé ont besoin d'accéder aux soins sur l'ensemble du territoire. Pourtant, les professionnels libéraux de la santé disposent d'une totale liberté d'installation. Les critères d'installation ne correspondent ni aux besoins des usagers, ni aux impératifs de santé publique. Conséquences : déserts sanitaires, délais d'attente sans lien avec les besoins réels et urgents (jusqu'à des mois d'attente pour une consultation auprès d'un spécialiste). Dans certaines régions, il devient impossible de trouver un spécialiste conventionné de secteur I.


L'UFC-Que Choisir constate que la liberté d'installation complète a vécu. Elle ne contribue plus en rien :
- ni aux objectifs nationaux sur le point d'être formalisés dans la loi de santé publique ;
- ni aux besoins des populations situées hors de grandes villes, voire dans des régions entières.

Aujourd'hui, il faut choisir.

À l'occasion de la réforme de l'assurance maladie, l'UFC-Que Choisir exige que soient satisfaits deux impératifs majeurs, indissociables aux yeux des usagers :
- l'égalité d'accès aux soins ;
- la permanence d'accès aux soins.

L'UFC-Que Choisir prône un encadrement de l'offre libérale en fonction des besoins réels des usagers. À ce titre, l'UFC-Que Choisir soutient la proposition de loi n°1444 déposée à l'Assemblée nationale tendant à assurer la présence des professionnels de santé dans les zones déficitaires en intégrant l'installation des médecins libéraux dans les Schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS). Désormais opposables, les SROS ainsi appliqués aux professionnels libéraux devraient remédier efficacement à une situation anachronique et inéquitable.

Copyright 2004  www.quechoisir.org